Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t13.djvu/108

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basses, honteuses, vicieuses, d’où nous vient-il, sinon de l’éducation ? Pourquoi une Sauvage se prostitue-t-elle publiquement & sans façon, tandis que ce que nous appellons une femme d’honneur, perdroit la vie plutôt que la réputation qui lui fait donner cette épithete, & que ceux qui l’ont perdue, cachent encore avec soin leurs foiblesses ? C’est que la Sauvage suit le seul instinct de la nature, & qu’on ne lui a jamais dit qu’il y avoir du mal à se laisser aller au torrent de les passions : au lieu qu’on a inculqué dès l’enfance à nos femmes des regles de morale divine & humaine sur cet article, & qu’on les a persuadées qu’il est honteux de s’abandonner aux vices contre les lumieres & les préceptes de cette morale.

Ce point-d’honneur, ce frein plus général que la religion même, & qui lui est souvent fort utile, sera donc d’autant plus puissant, qu’on aura mieux inculqué ces vérités, ces préceptes de morale, & qu’on aura donne plus d’éducation. Les hommes seront donc d’autant moins vicieux, qu’ils seront moins ignorans, mieux instruits.

Et dans cette contrainte—qu’il eût été essentiel de le connoître. Qui est-ce qui est la dupe des politesses que l’usage a établies, & qui les confondra avec les offres sinceres de services que vous fait un ami ? La simple urbanité & l’urbanité échauffée par une amitié vive & sincere, ont des tons si différens, que le moins versé dans le commerce du monde ne s’y méprend pas. Le fourbe même, qui s’étudie à jouer le personnage de celui-ci, n’est gueres plus difficile à pénétrer, qu’il n’est embarrassant de distinguer une coquette d’une véritable