Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t13.djvu/120

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dans nos campagnes, sont plus grands que ceux d’aujourd’hui. J’ose croire encore plus juste l’application de cet analogie à notre question, & qu’on peut assurer qu’elle se réduit à savoir, si les productions de la terre sans culture sont préférables à celles qu’elle fournit lorsqu’elle est bien cultivée. Qu’est-ce que la pure nature, la simple nature, je vous prie, dans les arbres, dans les plantes en général ? Que sont-ils dans cet état ? Des sauvageons indignes, incapable même de fournir à nos alimens, & il a fallu que le génie de l’homme inventât à l’agriculture, le jardinage pour rendre ce productions de la terre propres à servir de pâture aux hommes. Il a fallu greffer sur ces sauvageons de ces especes heureuses qui étoient sans doute les plus rares, & qu’on peut comparer à ces grands génies, à ces ames peu communes qui ont inventé les Sciences & les Arts. Il a fallu les placer en certains terrains, à certaines expositions, les élaguer, les émonder de certaines superfluités, de certaines parties nuisibles ; donner à la terre qui les environne une certaine préparation, une certaine façon, dans certaines saisons. Je ne crois pas qu’il se trouvé de mortel qui ose dire que toutes ces parties de l’agriculture ne sont pas utiles, nécessaires à la production & à la perfection des fruits de la terre ;*

[* Quod nisi & assiduis terram insectabere rastris,

Et sonitu terrebis aves & ruris opaci

Falce premes umbras, votisque vocaberis imbrem ;

Heu, magnum alterius frustrà spectabis acervum ;

Concussâque famen in sylvis solabere quercu.

Virgil. georg. l. 1. v. 155.]