Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t13.djvu/139

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

leurs armées étoient aussi nombreuses que féroces, lors même qu’elles étoient commandées par ce Cyrus le héros de cette Monarchie.

L’Empire Romain — hormis des mœurs & des citoyens. L’Auteur confond par-tout la barbarie, la férocité avec la valeur & la vertu ; c’étoit apparemment de bien honnêtes gens que ces Goths, ces Vandales, ces Normands, &c. qui ont désolé toute l’Europe qui ne leur disoit mot ? On voudroit nous faire entendre ici que c’est par leurs bonnes mœurs & par leurs vertus que ces peuples ont vaincu les peuples policés ; mais toutes les histoires attestent que c’étoient des brigands, des scélérats, qui se faisoient un jeu, une gloire du crime, pour lesquels il n’y avoir rien de sacré, & qui ont profité des divisions, des révoltes élevées au centre de ces Royaumes polis, dont le moindre réuni & prévenu auroit écrasé ces misérables.

De quoi s’agit-il donc — avec celui de l’honnête. Est-ce qu’il n’est pas possible d’être honnête homme sous un habit galonné ? Et faudra-t-il en porter un de toile pour obtenir cette qualité ? N’ayez donc peur dans nos forêts, que quand vous y rencontrerez un homme bien doré, bien monté, muni d’armes brillantes, & suivi d’un domestique en aussi bon équipage, tremblez alors pour votre vie ; vous voir au pouvoir d’un homme de l’espece la plus corrompue, abandonné au luxe, aux vices de toutes les especes ; mais quand vous y trouverez seul à seul un rustre vêtu de bure, chargé d’un mauvais fusil, & sortant des broussailles où il sembloit cacher sa misere ; alors ne craignez rien ; cette pauvreté évidente vous est un signe assuré que vous rencontrez la vertu même.