Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t13.djvu/172

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cet égard ; l’éloquence de nos jours ne mérite vraiment ce nom qu’autant qu’elle rassemblé l’ordre & la solidité du Géometre, avec la justesse &la liaison exacte des arguments du Logicien, & qu’elle les couvre de fleurs ; qu’autant qu"elle remplit cet excellent canevas de matériaux bien assortis, pris dans l’histoire des hommes, dans celle des Sciences, dans celle des Arts, dont les détails les plus circonstanciés deviennent nécessaires à un Orateur. Qui a jamais douté que l’art oratoire fût celui de tous qui suppose, qui exige les plus vastes connoisances ? Et qui croira que l’éloquence sortie des mains de Dieu, & donnée aux Apôtres pour la plus grande, la plus nécessaire de toutes les expéditions, ait été inférieure à celle de nos Rhéteurs ; la grace, & les prodiges, dira-t- on, ont suppléé à l’éloquence. La grace & les prodiges ont, sans doute la principale part à un ouvrage que jamais la seule éloquence humaine n’eût été capable d’exécuter ; mais il n’est pas moins constant, par l’Ecriture, que les saints Missionnaires de l’Evangile animés de l’esprit de Dieu possédoient cette éloquence divine, supérieure à toute faculté humaine, digne enfin de l’esprit qui est la source de toutes les lumieres. Toutes les nations étoient frappées d’étonnement *

[*Stupebant autem omnes & mirabantur] de voir & d’entendre de simples artisans Israelites, non-seulement parler toutes les langues, mais encore posséder tout-à-coup la science de l’Ecriture sainte, l’expliquer & l’appliquer d’une façon frappante au sujet de leur mission, discourir enfin avec le savoir, le feu & l’enthousiasme des Prophetes*

[*Effundam de spiritu meo super omnem carnem, & prophetabunt filii restri, &c. Act. Apost. cap. 2.]