Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t13.djvu/174

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le cuisinier s’instruit de l’art d’apprêter les alimens ; que le navigateur va dans les différentes parties de la terre chercher le poivre, le clou de gerofle, la casse, la manne, la rhubarbe, le quinquina. Nous manquerions donc tous des choses les plus nécessaires à la vie, & à sa conservation, si nous n’étions uniquement occupés que de l’affaire de notre salut, & nous retomberions dans un état pire que celui des premiers hommes, des Sauvages ; dans un état pire que cette barbarie le Citoyen de Geneve trouvé déjà pire que l’ignorance.

Le peuple heureux est celui qui ressemble à la république des fourmis, dont tous les sujets laborieux s’empressent également a faire le bien commun de la société. Le travail est ami de la vertu, & le peuple le plus laborieux doit être le moins vicieux. Le plus vaste, le plus noble, le plus utile des travaux, plus digne d’un grand Etat, est le commerce de mer qui nous débarrasse de notre superflu, & nous l’échange pour du nécessaire ; qui nous met à même de ce que tous les peuples du monde ont de beau, de bon, d’excellent ; qui nous instruit de leurs vices & de leurs ridicules pour les éviter, de leurs vertus & de leurs sages coutumes pour les adopter : les Sciences mêmes & les Arts doivent les plus grandes découvertes à la navigation, qui leur rend avec usure ce qu’elle en emprunte. Dans la guerre, comme dans la paix, la marine est un des plus grands ressorts de la puissance d’un peuple. Ses dépenses sont immenses, mais elles ne sortent point de l’Etat, elles y rentrent dans la circulation générale ; elles n’apportent donc aucune diminution réelle dans ses finances. Que nos voisins sentent bien toutes ces vérités, & qu’ils savent en faire un