Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t13.djvu/183

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Mais M. Rousseau ne veut pas s’appercevoir qu’il retombe toujours sur l’abus des Sciences, sur ce qu’elles sont quelquefois entre les mains des méchans, & non pas sur ce qu’elles doivent faire, & sur ce qu’elles sont en effet, quand leur but est suivi, quand il n’y a qu’elles qui ont part à l’action, quand elles ne sont pas surmontées par une nature dépravée, sur le compte de laquelle l’équité demande qu’on mette ces abus.

Pour l’honneur de l’humanité, efforçons-nous encore de diminuer, s’il est possible, le nombre de ces méchans, de ces malheureux, qui abusent de talens aussi précieux. Disons que la plupart de ceux mêmes qui ont abusé de leur plume, ont plus donne dans le libertinage de l’esprit que dans celui du cœur, ou qu’au moins ce dernier déréglement n’a pas été jusqu’à détruire leur probité. Epicure étoit le philosophe le plus sobre & le plus sage de son siecle ; Ovide & Tibulle n’en étoient pas moins honnêtes gens pour être amoureux. On n’a jamais taxé de mœurs infâmes les Spinosa, les Bayle, quoique leur religion fût ou monstrueuse ou suspecte. Le Citoyen de Geneve conviendra sans doute, qu’il est une probité commune à toutes les religions, à toutes les sectes, & il a bien compris que c’est de celle-là qu’il est question dans le sujet proposé par notre Académie ; sans quoi il n’auroit pas été décent d’introduire sur la scene les Romains & les Grecs, les Scythes, les Perses & les Chinois, &c. Dira-t-on que ces écrits licencieux produiront plus de désordres dans ceux qui les lisent que dans leurs propres auteurs ? Ce paradoxe n’est pas vraisemblable. La corruption n’est jamais pire qu’à