Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t13.djvu/245

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apprendre à ne rien craindre, un autre pour la tempérance, un autre enfin pour enseigner à ne point mentir ; comme si les vertus étoient divisées, & devoient former chacune un art séparé. La vertu est un être unique, indivisible : il s’agit de l’inspirer, non de l’enseigner ; d’en faire aimer la pratique, & non d’en démontrer la théorie.

On se livré ensuite à de nouvelles déclamations contre les Arts & les Sciences, sous prétexte que le luxe va rarement sans elles, & qu’elles ne vont jamais sans lui. Quand j’accorderois cette proposition, que pourroit-on en conclure ? La plupart des Sciences me paroissent d’abord parfaitement désintéressées dans cette prétendue objection : le Géometre, l’Astronome, le Physicien ne sont pas suspects assurément. À l’égard des Arts, s’ils ont en effet quelque rapport avec le luxe, c’est un côté louable de ce luxe même, contre lequel on déclame tant, sans le bien connoître. Quoique cette question doive être regardée comme étrangere à mon sujet, je ne puis m’empêcher de dire, que tant qu’on ne voudra raisonner sur cette matiere que par comparaison du passé au présent, on en tirera les plus mauvaises conséquences du monde. Lorsque les hommes marchoient tout nuds, celui qui s’avisa le premier de porter des sabots passa pour un voluptueux : de siecle en siecle, on n’a jamais cessé de crier à la corruption, sans comprendre ce qu’on vouloit dire ; le préjugé toujours vaincu, renaissoit fidellement à chaque nouveauté.

Le commerce & le luxe sont devenus les liens des nations. La terre avant eux n’étoit qu’un champ de bataille, la guerre