Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t13.djvu/246

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un brigandage, & les hommes des barbares, qui ne se croyoient nés que pour s’assérvir, se piller, & se massacre mutuellement. Tels étoient ces siecles anciens que l’on veut nous faire regretter.

La terre ne suffisoit ni à la nourriture, ni au travail de les habitans ; les sujets devenoient à charge à l’Etat ; si-tôt qu’ils étoient désarmés, il falloit les ramener à la guerre pour se soulager d’un poids incommode. Ces émigrations effroyables des peuples du nord, la honte de l’humanité, qui détruisirent l’Empire Romain, & qui désolerent le neuvieme siecle, n’avoient d’autres sources que la misere d’un peuple oisif. Au défaut de l’égalité des biens, qui a été long-tems la chimere de la politique, & qui est impossible dans les grands états le luxe seul peut nourrir & occuper les sujets. Ils ne deviennent pas moins utiles dans la paix que dans la guerre ; leur industrie sert autant que leur courage. Le travail du pauvre est payé du superflu du riche. Tous les ordres des citoyens s’attachent au Gouvernement par les avantages qu’ils en retirent.

Tandis qu’un petit nombre d’hommes jouit avec modération de ce qu’on nomme luxe, & qu’un nombre infiniment plus petit en abuse, parce qu’il faut que les hommes abusent de tout ; il fait l’espoir, l’émulation & la subsistance d’un million de citoyens, qui languiroient sans lui dans les horreurs de la mendicité. Tel est en France l’état de la Capitale. Parcourez les Provinces : les proportions y sont encore plus favorables. Vous y trouverez peu d’excès ; le nécessaire commode allez rare, l’artisan, le laboureur, c’est-à-dire, le corps