Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t13.djvu/300

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le purgatoire, qui a été une des principales causes de la séparation des Protestans d’avec l’Eglise Romaine, est aujourd’hui la seule peine que plusieurs d’entr’eux admettent après la mort : nouveau trait à ajouter à l’histoire des contradictions humaines.

Pour tour dire en un mot, plusieurs Pasteurs de Geneve n’ont d’autre religion qu’un socinianisme parfait, rejettent tout ce qu’on appelle mysteres, & s’imaginant que le premier principe d’une religion véritable, est de ne rien proposer à croire qui heurte la raison : aussi quand on les presse sur la nécessité de la révélation, ce dogme si essentiel du christianisme, plusieurs y substituent le terme d’utilité, qui leur paroît plus doux : en cela s’ils ne sont pas orthodoxes, ils sont au moins conséquens à leurs principes.

Un Clergé qui pense ainsi doit être tolérant, & l’est en effet assez pour n’être pas regardé de bon œil par les Ministres des autres Eglises réformées. On peut dire encore, sans prétendre approuver d’ailleurs la religion de Geneve, au’il y a peu de pays où les théologiens & les ecclésiastiques soient plus ennemis de la superstition. Mais en récompense, comme l’intolérance & la superstition ne servent qu’à multiplier les incrédules, on se plaint moins à Geneve qu’ailleurs des progrès de l’incrédulité, ce qui ne doit pas surprendre : la religion y est presque réduite à l’adoration d’un seul Dieu, du moins chez presque tout ce qui n’est pas peuple : le respect pour Jésus-Christ & pour les Ecritures, sont peut-être la seule chose qui distingue d’un pur déisme le christianisme de Geneve.

Les Ecclésiastiques sont encore mieux à Geneve que d’être