Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t13.djvu/337

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vous, nous y attirent ; & c’est de quoi vous vous êtes pleinement acquitté par la maniere dont vous traitez les comédiens & les femmes. Votre philosophie n’épargne personne, & on pourroit lui appliquer ce passage de l’Ecriture, & manus ejus contra omnes. Selon vous, l’habitude où sont les comédiens de revêtir un caractere qui n’est pas le leur, les accoutume à la fausseté. Je ne saurois croire que ce reproche soit sérieux. Vous feriez le procès sur le même principe ; à tous les Auteurs de pieces de théâtre, bien plus obligés encore que le comédien, de se transformer dans les personnages qu’ils ont à faire parler sur la scene. Vous ajoutez qu’il est vil de s’exposer aux sifflets pour de l’argent ; qu’en faut-il conclure ? Que l’état de comédien est celui de tous où il est le moins permis d’être médiocre. Mais en récompense, quels applaudissemens plus flatteurs que ceux du théâtre ? C’est-là, où l’amour-propre ne peut se faire illusion ni sur les succès, ni sur les chûtes ; & pourquoi refuserions-nous à un acteur accueilli & desiré du public le droit si juste & si noble de tirer de son talent sa subsistance ? Je ne dis rien de ce que vous ajoutez (pour plaisanter sans doute) que les valets en s’exerçant à voler adroitement sur le théâtre, s’instruisent à voler dans les maisons & dans les rues.

Supérieur, comme vous l’êtes, par votre caractere& par vos réflexions, à toute espece de préjugés, étoit-ce là, Monsieur, celui que vous deviez préférer pour vous y soumettre & pour le défendre ? Comment n’avez-vous pas senti, que si ceux qui représentent nos pieces mériteroient aussi de l’être ; & qu’ainsi