Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t13.djvu/445

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Dans un état donc aussi déplorable que le mien, & sur lequel je n’ai nul reproche à me faire, je crois qu’il n’est pas honteux à moi d’implorer de Son Excellence, la grace d’être admis à participer aux bienfaits établis par la piété des princes, pour de pareils usages. Ils sont destinés pour des cas semblables aux miens, ou ne le sont pour personne.

En conséquence de cet exposé, le supplie très-humblement Son Excellence de vouloir me procurer une pension, telle qu’elle jugera raisonnable, sur la fondation que la piété du roi Victor a établie à Annecy, ou de tel autre endroit qu’il lui semblera bon, pour pouvoir survenir aux nécessités du reste de ma triste carriere.

De plus l’impossibilité où je me trouvé de faire des voyages, & de traiter aucune affaire civile, m’engagé à supplier encore Son Excellence, qu’il lui plaise de faire régler la chose de maniere que ladite pension puisse être payée ici en droiture, & remise entre mes mains, ou celles de Madame la baronne de Warens, qui voudra bien, à ma très-humble sollicitation, se charger de l’employer à mes besoins. Ainsi, jouissant pour le peu de jours qu’il me reste, des secours nécessaires pour le temporel, je recueillerai mon esprit & mes forces, pour mettre mon ame & ma conscience en paix avec Dieu ; pour me préparer à commencer, avec courage & résignation, le voyage de l’éternité, & pour prier Dieu sincérement & sans distraction, pour la parfaite prospérité & la très-précieuse conservation de Son Excellence.

J. J. ROUSSEAU.