Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t13.djvu/544

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instruit. Mais je vois chaque jour mieux que les hommes sont par-tour les mêmes, & que le progrès de l’envie & de la jalousie fait plus de mal aux ames, que celui des lumieres qui en est la cause, ne peut faire de bien aux esprits.

Je n’ai certainement pas oublie, Madame la duchesse, que vous aviez desire de la graine du Gentiana filiformis ; mais ce souvenir n’a fait qu’augmenter mon regret d’avoir perdu cette plante, sans me fournir aucun, moyen de la recouvrer. Sur le lieu même ou je la trouvai qui est a Trye, je la cherchai vainement l’année suivante, & soit que je n’eusse pas bien retenu la place ou le tems de sa florescence, soit qu’elle n’eût point grené & qu’elle ne se sur pas renouvellée, il me fut impossible d’en retrouver le moindre vestige. J’ai éprouvé souvent la MÊME mortification au sujet d’autres plantes que j’ai trouvées disparues des lieux où auparavant on les rencontroit abondamment ; par exemple, le Plantago uniflora qui jadis bordoit l’étang de Montmorency & dont j’ai fait en vain l’année derniere la recherche avec de meilleurs Botanistes & qui avoient de meilleurs yeux que moi ; je vous proteste, Madame la duchesse, que je serois de tout mon cœur le voyage de Trye pour y cueillir cette petite Gentiane & sa graine, & vous faire parvenir l’une & l’autre si j’avois le moindre espoir de succès. Mais ne l’ayant pas trouvée l’année suivante, étant encore sur les lieux, quelle apparence qu’au bout de plusieurs années où tous les renseignemens qui me restoient encore se sont effaces, je puisse retrouver la trace de cette petite & fugace plante ? Elle n’est point ici au jardin du Roi, ni, que je sache, en aucun autre jardin, & très-peu de gens même la