Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t13.djvu/593

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moi-même. Si cela ne vous fait pas de la peine, accordez- moi la grace de me dire s’il est toujours à Anneci, & son adresse à-peu-près. Comme j’ai beaucoup travaillé depuis mon départ d’auprès de vous, si vous agréez pour vous désennuyer que je vous envoye quelques-unes de mes pieces, je le serai avec joie ; toutefois sous le sceau du secret, car je n’ai pas encore assez de vanité pour vouloir porter le nom d’Auteur : il faut auparavant que je sois parvenu à un degré qui puisse me faire soutenir ce titre avec honneur. Ce que je vous offre c’est pour vous dédommage en quelque sorte de la compôte qui n’est pas encore mangeable. Passons à votre dernier article qui est le plus important. Je commencerai par vous dire qu’il n’étoit point nécessaire de préambule pour me faire agréer vos sages avis ; je les recevrai toujours de bonne part & avec beaucoup respect & je tâcherai d’en profiter. Quant à celui-ci que vous me donnez, soyez persuadée, Mademoiselle, que ma religion est profondément gravée dans mon ame & que rien n’est capable de l’en effacer. Je ne veux pas ici me donner beaucoup de gloire de la constance avec laquelle j’ai refusé de retourner chez moi. Je n’aime pas prôner des dehors de piété qui souvent trompent les yeux, & ont de tout autres motifs que ceux qui se montrent en apparence. Enfin, Mademoiselle, ce n’est pas par divertissement que j’ai changé de nom & de patrie, & que je risque à chaque instant d’être regardé comme fourbe & peut-être un espion. Finissons une trop longue lettre ; c’est assez vous ennuyer ; je vous prie de vouloir bien m’honorer d’une prompte réponse, parce que je ne ferai peut-être pas long séjour ici, Mes affaires y sont dans une fort mauvaise.