Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t13.djvu/597

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sans m’égaler en sentimens, & me surpasser en lumieres. Ce n’est pas beaucoup promettre : mais je ne puis mesurer mes engagemens qu’à mes forces. Le surplus dépendra de lui.

Il est tems de cesser de vous fatiguer. Daignez, Monsieur, continuer de m’honorer de vos bontés & agréer le profond respect avec lequel j’ai l’honneur d’être, &c.

LETTRE VIII.

Vous voilà donc, Monsieur, déserteur du monde & de ses plaisirs ; c’est, à votre âge & dans votre situation, une métamorphose bien étonnante. Quand un homme de vingt-deux ans, galant, aimable, poli, spirituel comme vous l’êtes, & d’ailleurs point rebuté de la fortune, se détermine à la retraite par simple goût, & sans y être excité par quelque mauvais succès dans ses affaires ou dans ses plaisirs, on peut s’assurer qu’un fruit si précieux du bon sens & de la réflexion n’amenera point après lui de dégoût ni de repentir. Fondé sur cette assurance, j’ose vous faire sur votre retraite, un compliment qui ne vous sera pas répété par bien des gens ; je vous en félicite. Sans vouloir trop relever ce qu’il y a de grand & peut-être d’héroïque dans votre résolution, je vous dirai franchement que j’ai souvent regretté qu’un esprit aussi juste & une ame aussi belle que la vôtre, ne fussent faits que pour la galantetie, les cartes & le vin de Champagne ; vous étiez né, mon très-cher Monsieur, pour une meilleure occupation ; le goût passionné,