Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t13.djvu/618

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raisonnement tout simple, & qui me semble renfermer ce qu’il y a de plus essentiel dans la question.

Voici ce raisonnement.

Tout ce qui résulte immédiatement des facultés de l’homme ne doit-il pas être dit résulter de sa nature ? Or, je crois que l’on démontre fort bien que l’état de société résulte immédiatement des facultés de l’homme : je n’en veux point alléguer d’autres preuves à notre savant Auteur que ses propres idées sur l’établissement des sociétés ; idées ingénieuses & qu’il a si élégamment exprimées dans la seconde Partie de son Discours. Si donc l’état de société découle des facultés de l’homme, il est naturel à l’homme. Il seroit donc aussi déraisonnable de se plaindre de ce que ces facultés en se développant ont donné naissance à cet état, qu’il le seroit de se plaindre de ce que DIEU a donné à l’homme de telles facultés.

L’homme est tel que l’exigeoit la place qu’il devoit occuper dans l’univers. Il y falloit apparemment des hommes qui bâtissent des villes, comme il y falloit des castors qui construisissent des cabanes. Cette perfectibilité, dans laquelle M. Rousseau fait consister le caractere qui distingue essentiellement l’homme de la brute, devoit, du propre aveu de l’Auteur, conduire l’homme au point où nous le voyons aujourd’hui. Vouloir que cela ne fût point, ce seroit vouloir que l’homme ne fût point homme. L’aigle qui se perd dans la nue rampe-t-il dans la poussiere comme le serpent ?

L’homme sauvage de M. Rousseau, cet homme qu’il chérit avec tant de complaisance, n’est point du tout l’homme que