Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t13.djvu/66

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votre grandeur n’est qu’un grand crime. Quelle fureur vous anime & vous porte à ravager l’Univers ? Tigres altérés du sang des hommes, comment osez-vous mettre votre gloire à être injures, à vivre de pillage, à exercer la plus odieuse tyrannie ? Qui vous adonné le droit de disposer de nos biens & de nos vies, de nous rendre esclaves & malheureux, de répandre par-tout la terreur, la désolation & la mort ?

Est-ce la grandeur d’ame dont vous vous piquez ? Ô détestable grandeur, qui se repaît de miseres & de calamités ! N’acquérez-vous de prétendues vertus, que pour punir la terre de ce qu’elles votes ont coûté ? Est-ce la forcé ? Les loix de l’humanité n’en ont donc plus ? Sa voix ne se fait donc point entendre à vos cœurs ? Vous méprisez la volonté des Dieux qui vous ont destinés, ainsi que nous, à passer tranquillement quelques instans sur la terre ; mais la peine est toujours à côté du crime. Vous avez eu la honte de passer sous le joug, la douleur devoir vos armées taillées en pieces, & vous aurez bientôt celle de voir la République se déchirer par ses propres forces. Qui vous empêche de passer une vie agréable dans le sein de la paix, des arts, des sciences & de la vertu ? Romains, cessez d’être injustes ; cessez de porter en tous lieux les horreurs de la guerre & les crimes qu’elle entraîne.

Mais je veux qu’il y ait eu des Nations vertueuses dans le sein de l’ignorance ; je demande si ce n’est pas à des loix sages, maintenues avec vigueur, avec prudence, & non pas à la privation des Arts, qu’elles ont été redevables de leur bonheur ? En vain prétend-on que Socrate même & Caton ont décrié les Lettres ; ils ne furent jamais les apologistes de l’ignorance.