Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t13.djvu/73

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vous n’êtes pas dignes d’être nommés citoyens. Cette qualité est le partage des paysans, & il faudra que vous cultiviez tous la terre pour la mériter. Comment ose-t-on insulter ainsi une nation qui produit tant d’excellens citoyens dans tous les états ?

Ô Louis le Grand ! quel seroit votre étonnement, si rendu aux vœux de la France & à ceux du Monarque qui la gouverne en marchant sur vos traces glorieuses, vous appreniez qu’une de nos Académies a couronné un ouvrage, où l’on soutient que les Sciences sont vaines dans leur objet, pernicieuses dans leurs effets ; que ceux qui les cultivent ne sont pas citoyens ! Quoi ! pourriez-vous dire, j’aurois imprimé une tache à ma gloire pour avoir donne un asyle aux Muses, établi des Académies, rendu la vie aux Beaux-Arts ; pour avoir envoyé des Astronomes dans les pays les plus éloignés, récompensé les talens & les découvertes, attiré les Savans près dur Trône ! Quoi ! J’aurois terni ma gloire pour avoir fait naître des Praxiteles & des Sysippes, des Appelles & des Aristides, des Amphions & des Orphées ! Que tardez-vous de briser ces instrumens des Arts & des Sciences, de brûler ces précieuses dépouilles des Grecs & des Romains, toutes les archives de l’esprit & du génie ? Replongez-vous dans les ténebres épaisses de la barbarie, dans les préjugés qu’elle consacre sous les funestes auspices de l’ignorance & de la superstition. Renoncez aux lumieres de votre siecle ; que des abus anciens usurpent les droits de l’équité ; rétablissez des loix civiles contraires à la loi naturelle ; que l’innocent qu’accuse l’injustice, soit obligé, pour se justifier,, à s’exposer à périr par l’eau ou par le feu ;