Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t14.djvu/191

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il me dit, que si je le garantissois pour les fêtes suivantes, il pourroit bien se rendre à mes raisons. Je lui représentai, que cela ne dépendoit pas de moi, que j’étois membre d’un que Corps, & que je n’avons que mon suffrage. Il s’obstina à me dire que son sort étoit entre mes mains, & qu’il vouloit tout ou rien. Je ne laissai pas de l’assurer, que je lui serois tout le bien possible, autant que cela pourroit s’accorder avec mon devoir. M. Rousseau me repartit qu’il prenoit engagement avec moi de ne plus écrire sur aucune matiere de religion, & qu’ainsi il espéroit qu’on le laisseroit tranquille, & tout de suite il ajouta : Eh bien, Monsieur, mon sort dépend de vous ; si vous revenez avec de bonnes nouvelles, à quelque heure que ce soit, je vous embrasserai de tout mon cœur, sinon nous nous tournerons le dos. Affligé de sa prévention, je lui répondis, tout ce qu’il vous plaira, & je revins chez moi le cœur pénétré & ulcéré. Quoi ! me dis-je, à moi-même, tu cherches à faire tout pour le bien, & l’on ne veut pas en faire usage ?*

[* J’appelle au témoignage de M. Rousseau sur la vérité de ces faits, & je prends le public pour juge si l’on peut me taxer avec justice d’avoir tourné brusquement le dos à M. Rousseau.]

Comme je ne devois partir que le lundi je crus que M. Rousseau auroit quelque réavis, & me donneroit de ses nouvelles, mais je n’en reçus aucune ; d’où je conclus qu’il persistoit dans sa façon de penser ; lorsque le dimanche, sur la soirée M. Guyener, Lieutenant du Val-de-Travers, qui est dans les bonnes graces de M. Rousseau, se rendit chez moi,