Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t14.djvu/475

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Souvent à la faveur de l’opulence, un homme de génie médiocre s’arroge bien des droits qui n’appartiennent qu’aux vrais savans.

Vers le milieu du second mois, Ried commençoit à vouloir primer sur tout ce qui donnoit matiere à la conversation, & développoit des systêmes qui n’étoient pas toujours les plus raisonnables.

Un homme né sincere trouve toujours de la bassesse à déguiser ses pensées. L’Etranger étoit de ce caractere, il ne savoit point l’art de dire oui, quand il falloir dire non, & Ried méritoit souvent, par des entêtemens déplacés, qu’on ne fût pas de son avis. L’Etranger ne croyoit pas qu’il convint à un homme vrai de payer les droits de l’hospitalité & de la bienveillance, par le déni formel d’une vérité évidente. L’Irlandois de son côté, ne croyoit pas devoir le céder à un particulier qui dépendoit en quelque sorte de son opulence ; d’ailleurs il se seroit cru trop humilié, s’il avoit été obligé, par la force d’une relation juste & véritable, de se rétracter de ce qu’il avoit assez inconsidérément soutenu, & cela plutôt par opiniâtreté & par orgueil, que par connoissance de cause. De-là les contrariétés & les légeres disputes. De celles-ci, l’échaussement de la bile, les vivacités déplacées ; enfin les tons de voix impérieux qui sont trop connoître à l’obligé, que le prétendu bienfaiteur voudroit mettre un impôt sur ses lumieres, & donner des entraves à ses sentimens. S’il refuse ce tribut honteux, le bienfaiteur se refroidit, ses gestes, ses regards & ses dédains l’annoncent, & ses propos sont bientôt connoître qu’il a diminué d’estime & de bonne opinion, envers celui