Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t14.djvu/48

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une perte irréparable. Sans parler ici des Monarques, trop occupés du bien général pour pouvoir descendre dans des détails qui le leur feraient négliger, je sais que l’Europe ne manque pas de grands Princes ; je crois qu’il est encore des ames vraiment bienfaisantes ; encore plus d’esprits éclairés qui sauroient dispenser sagement les bienfaits qu’ils devroient aimer à répandre. Toutes ces choses prises séparément peuvent se trouver : mais où les trouverons-nous réunies ? Où chercherons nous un homme qui, pouvant voir nos besoins par ses yeux & les soulager par ses mains, rassemble en lui seul la puissance & la volonté de bien faire avec les lumieres nécessaires pour bien faire toujours à propos ? Voilà les qualités réunies que nous admirions & que nous aimions sur-tout dans celui que nous venons de perdre, & voilà le trop juste motif des pleurs que nous devons verser sur son tombeau.

SECONDE PARTIE.

Je le sers bien, Messieurs ; ce n’est point avec le tableau que je viens de vous offrir que je dois me flatter de calmer une douleur trop légitime ; & l’image des vertus du grand Prince dont nous honorons la mémoire, ne peut être propre qu’à redoubler nos regrets. C’est pourtant en vous le peignant orné de vertus beaucoup plus sublimes que j’entreprends de modérer votre juste affliction. À Dieu ne plaise qu’une insensée présomption de mes forces soit le principe de cet espoir ! Il est établi sur des fondemens plus raisonnables & plus solides