Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t14.djvu/496

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a vous-même quand vous écriviez. Je ne vis point dans le monde, j’ignore ce qui s’y passe ; je n’ai point de parti ; je n’ai point d’associé, point d’intrigue ; on ne me dit rien ; je ne sais que ce que je sens ; mais comme on me le fait bien sentir, je le sais bien. Si vous appeliez cela de l’explication, les sauvages l’appellent du galimathias en beau style. Je crois, ma soi, que vous auriez besoin d’un commentateur. La Sybille de Cumes n’entortilleroit pas mieux ses oracles, & je crois même qu’un nouvel OEdipe seroit sort en peine d’expliquer clairement ce que vous vouliez dire, par je ne sais que ce que je sens, mais comme on me le fait bien sentir, je le sais bien.

Tout ce que je puis vous dire, c’est que je n’ai ouï tenir de semblables propos qu’à gens dont l’esprit n’étoit pas bien rassis. Je les plaignois, j’en fais de même à votre égard.

Je m’étonne que M. Hume se soit si fort alarmé par la lecture de votre lettre ; il falloit qu’il fût bien bon ; quant à moi, je vous l’aurois renvoyée avec priere d’être moins éloquent, plus clair & plus équitable. C’est être injuste que de condamner ipso facto, ses amis sur de simples conjectures.

Vous y promettez toutefois en ne consultant que votre ressentiment, de convaincre M. Hume de trahison, vous dites que vous voulez commencer par les indices & finir par les démonstrations. Si les tribunaux de judicature adoptoient cette nouvelle maniere de juger, que d’innocens risqueroient d’être conduits au supplice ? J’aurois attendu de votre précédente façon de penser, que des indices vous en seriez venu aux preuves, & non pas à des démonstrations qui ne démontrent que vos frayeurs chimériques.