Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t14.djvu/514

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émotions, que des soupçons en l’air ne pourroient indiquer une trahison.

Je m’étonne que l’Anglois n’ait pas rompu dès le lendemain toute liaison avec le Genevois. Peut-être craignoit-il de se méprendre, peut-être n’osoit-il pas le faire, soit par ménagement pour lui à l’égard de ce que le public auroit pu penser de ce procédé peu charitable, ou soit pour ne pas s’attirer de toutes parts les reproches de ceux qui savoient qu’il avoit offert a ce Philosophe errant un asyle en Angleterre.

Quant aux petits coups flatteurs réitérés sur le dos de Rousseau, pendant que celui-ci embrassoit & arrosoit de ses larmes son bienfaiteur ; de même que ces paroles : Quoi, mon cher Monsieur ! eh, mon cher Monsieur ! quoi donc, mon cher Monsieur ! n’ajoutant rien de plus, ne sont pas des procédés qui indiquent, comme l’insinue M. Rousseau, une trahison. Ce sont les consolations ordinaires que l’on prodigue à tous ceux qui paroissent émus par de violens transports ; on me les a prodigués quelquefois pour arrêter les effets d’une bile trop échauffée ; les uns se servent des mots de cher ami, d’autres de dear Sir, ou de mon cher Monsieur, qui est l’équivalent, & quelquefois embrassent l’affligé, pour lui témoigner leur compassion & la part qu’ils prennent à son excès de sensibilité. Ces consolations sont de tout pays ; mais il arrive ordinairement que les esprits égarés interprètent à leur guise & du mauvais côté, même ce que l’on fait pour leur propre bien.

Je comprends que dans une lettre, l’amitié peut quelquefois employer ces expressions douces & tendres dont les amans se servent pour exprimer leur ardeur ; mais que J. J. Rousseau