Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t14.djvu/524

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de M. Hume : mais le malade a oublié sa promesse, & ne produit que des nuages plus sombres & plus épais les uns que les autres ; il finit par les mêmes soupçons, & il est si peu convaincu de la vérité du fait que lui-même a mis en question, qu’il conjuré son ami soupçonné de lui avouer son crime. Si vous êtes coupable, lui dit-il, ne m’écrivez plus ; si vous êtes innocent daignez vous justifier. Voilà à quoi se borne le pauvre Rousseau ; sont-ce là des indices ? peut-on croire que le Lecteur prendra ces doutes pour des démonstrations ? M. Hume étoit fort heureux de ce que J. J. n’étoit pas en pouvoir de lui faire appliquer la question. J’aurois parié que les tourmens n’eussent pas été épargnés, & malgré toute l’innocence de l’accusé, il lui auroit surement fait avouer de force ou de gré qu’il l’avoit trahi ; l’exécution n’eût pas tardé de s’ensuivre, car les sous n’ont pas beaucoup de penchant à pardonner. Si j’avois quelque chose à reprocher à M. Hume, ce seroit d’avoir si long-tems envisagé ce Genevois comme un homme qui se portoit bien.

Je me figure que M. Hume avoir charitablement attribué, comme lui-même le dit, aux prétendus malheurs de J. J. Rousseau, la cause de son accablement, & qu’enfin il n’avoit attribué les démonstrations de joie du Pélerin qu’à la perspective riante qui le conduisoit en pompe en Angleterre pour le faire arriver au comble de ses vœux. Un esprit bien sain n’est pas insensible à un changement de fortune, qui le fait passer de la douleur au plaisir ; mais sa joie se modere par la force de la raison qui l’avertit de ne rien outrer. Il prévoit tout le ridicule qu’il s’attireroit par des transports extravagans ; il rémoigne