Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t14.djvu/535

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sont une preuve bien certaine qu’il étoit né avec un goût naturel pour l’étude des Belles-Lettres ; mais que n’ayant eu que lui seul pour guide dans cette carriere épineuse, il n’a pas toujours suivi le chemin qui conduit au temple de la modération ; ce qui est sans doute la cause qu’il a outré bien des systêmes, plus admirables en spéculation qu’ils ne pourroient l’être en pratique. J’aurois aussi quelque penchant à croire que la lecture des Auteurs tragiques, comiques & romanesques avoit fixé ses amuseme : ce qui auroit beaucoup contribué à lui donner du goût pour ces grands sentimens, cet excès de sensibilité & cette fierté déplacée qu’il ne met que trop souvent en œuvre, & qui, dans le fond, ne conviennent qu’à de grands personnages, & sur-tout à des Héros de théâtres.

Je m’imagine encore que les Poetes anciens & modernes, les Orateurs de l’ancienne Rome & de l’antique Grece, & les Philosophes de tous les âges, ont tour-à-tour déraciné de son ame la tige des faux préjugés qui, de nos jours, sont la honte du genre-humain, ou qui, tout au moins, révoltent les esprits éclairés.

On remarque que la nature l’avoit fait naître avec ce germe spirituel qui, bien cultivé, forme les grands génies ; mais que faute de bons principes, & voulant trop embrasser à la fois, l’occasion de devenir un véritablement grand homme lui est échappée.

Destiné par sa naissance à s’attacher à des travaux mécaniques, il les abandonne pour ne plus s’appliquer qu’aux talens agréables ; il débute par remporter des prix académiques ; ses productions, dans un genre tout-à-fait nouveau, le sont