Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t14.djvu/77

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Dorante.

Oui, Madame, cela est réciproque, & elles ont bien autant d’intérêt que nous, pour le moins, à les établir.

Sophie.

Vous me faites trembler pour les femmes capables de donner leur cœur à des amans formés à une pareille école.

Dorante.

Eh ! pourquoi ces craintes chimériques ? n’est-il pas convenu que ce commerce galant & poli, qui jette tant d’agrément dans la société n’est point de l’amour ; il n’est que le supplément. Le nombre des cœurs vraiment faits pour aimer est si petit, & parmi ceux -là, il y en a si peu qui se rencontrent, que tout languiroit bientôt si l’esprit & la volupté ne tenoient quelquefois la place du cœur & du sentiment. Les femmes ne sont point les dupes des aimables folies que les hommes sont autour d’elles. Nous en sommes de même par rapport à leur coquetterie, elles ne séduisent que nos sens. C’est un commerce fidelle, où l’on ne se donne réciproquement que pour ce qu’on est. Mais il faut avouer à la honte du cœur que ces heureux badinages sont souvent mieux récompensés, que les plus touchantes expressions d’une flamme ardente & sincere.

Sophie.

Nous voici précisément où j’en voulois venir ; vous m’aimez, dites-vous, uniquement & parfaitement ; tout le reste n’est que jeu d’esprit ; je le veux ; je le crois. Mais alors il