Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t15.djvu/139

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Vous faites donc d’Adam ou de tel autre homme pareil un homme sans sentiment, ou, ce qui va au même, d’un sentiment aveugle & purement animal. Et quand je dis Adam, les deux sexes peuvent vous tenir compte des beaux sentimens ou non sentimens que vous leur prêtez ou ne leur prêtez pas. Vous ne vous lassez pas d’insulter cette pauvre humanité, image de Dieu pourtant.

J’observe que ce que vous traitez d’acte purement animal, l’Ecriture le qualifie d’acte spirituel de connoissance enfin. Adam verò cognovit uxorem suam Evam. L’Ecriture sainte toujours décente & respectueuse pour nous-mêmes, nous caractérise toujours à nobiliori parte, comme disent les Philosophes, qui n’en sont pas plus méprisables, parce que vous les méprisez.

On croiroit, Monsieur, qu’à force de nous faire rougir des avilissemens où vous nous ravalez, vous voudriez nous faire perdre l’habitude naturelle de rougir de tout cela ; vous vous trompez, & c’est à moi spécialement de vous détromper. Car n’aimant ni à réfuter ni à critiquer, vous êtes peut-être le premier & le seul, avec qui je ne rougisse pas d’une critique & d’une réfutation, à visage découvert.

De tous ceux qui se mêlent de philosophie, de géométrie, de physique même dans ce siecle, où les grands philosophes, physiciens & géometres ne manquent pas, je me suis regardé, vous l’avoue, comme le plus directement attaqué par vos nommes brutes, bêtes & animaux physiques. J’aime l’esprit, je ne dissimule pas : si j’étois capable d’hérésie, je serois bien plutôt Mallebranche que Spinosa, Vous tournez tant que vous