Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t15.djvu/167

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dès ce quatrieme chapitre de la Genese tous les grands arts sont inventés, & nous en connoissons par nom & par surnom tous les inventeurs. Les arts libéraux sont inventés sous le nom de musique par Jubal, & les arts mécaniques par Tubalcaïn, qu’évidemment l’idolâtrie a transformé en Vulcain. Ce ne sont pas là les vrais grands arts d’humanité dont je veux parler.

Ce n’est pas Nembrod ni Assur, qui inventerent la vie civile & politique, qui sont des arts supérieurs à tous ceux de nos mains, ou de notre simple bel-esprit. Ce fut le fratricide Caïn qui inventa ces arts-là, en bâtissant la premiere ville de l’univers, la ville d’Enochia. Je ne laisse pas de penser, que ce genre d’invention ne fut jamais trop agréable à Dieu, ne fût-ce qu’à cause de son auteur. Je pourrois être de l’avis de M. R. s’il prenoit la chose de ce côté-là.

Dans le moderne, Rome peut être regardée comme la seconde ville de l’univers, aussi fut-elle l’ouvrage d’un fratricide Romulus, &c. Je laisse aux savans à nous dire, pourquoi de notre tems même, Urbis & Orbis, est l’inscription ordinaire de la plupart des rescripts des Romains.

Je n’ai garde de rien outrer avec M. R. qui sur cette simple ouverture, croira pouvoir anathématiser avec amertume toutes les villes, & sur-tout les grandes villes, les villes capitales de l’univers. Je conviens, je pense, je crois savoir que les villes ne sont point de la premiere invention de Dieu. C’est d’Enochia que sortit le premier déluge : c’est ordinairement dans les villes, que se fabriquent la plupart de ces déluges d’iniquité qui inondent l’univers. Les campagnes sont plus communément