Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t15.djvu/240

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à tout le monde, de faciliter tout, l’invention même des toutes choses. Il a été un moment, où en arrivant à Paris, M. R. m’en fit le compliment honnête & flatteur.

Son procédé d’aujourd’hui me flatte un peu plus. Je m’honore en le réfutant ; & il sera dit qu’il n’a pu détruire arts & sciences, religion ni humanité sans me détruire, sans m’attaquer par-tout assez ouvertement. Je dirai plus : M. R. a eu ci-devant des partisans, des panégyristes, secrets & publics. J’en ai toujours en secret au moins ressenti le contre-coup ou le revers de leurs éloges affectés ; & si j’ai des ennemis en petit nombre, ils se sont constamment déclarés pour M. R. je ne suis pas le seul qui en ai ri, je m’attendois bien que M. R. porteroit la contradiction à une évidence dont je pourrois me prévaloir à mon tour, comme il m’est arrivé pour d’autres que je pourrois citer.

Enfin pour la simple numération il faut, selon M. R. bien du tems & des méditations philosophiques, très métaphysiques, très-abstraites, très-peu naturelles, non pour dire nombre, dixaine, centaine, &c. mais pour dire 1. 2. 3. 4. 5. &c. Voici ce que M. R. appelle un raisonnement, une méditation, & que j’appelle tout simplement un raisonnement de M. R. il dit :

“Un Sauvage pouvoit considérer séparément sa jambe droite & sa jambe gauche, ou les regarder ensemble sous l’idée indivisible d’un couple sans jamais penser qu’il en avoit deux. Car autre chose est l’idée représentative qui nous peint un objet, & autre chose l’idée numérique qui le détermine moins encore pouvoit-il calculer jusqu’à cinq, & quoiqu’en