Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t15.djvu/265

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pour le dire en passant, décide en faveur de la sensibilité de cette partie du genre-humain, suffiroit seul à l’éloge de l’illustre étranger. Un tel honneur, quand il est vraiment unique, est effectivement la plus rare récompense que puissent recevoir les dons de l’ame & de l’esprit ; & nul homme, que je sache, n’a joui comme Rousseau d’une gloire pareille, purement comme Auteur.

Je vais donc, comme contemporain, être l’interpréte du pays & du siecle où il a vécu. Je souhaite que ce foible monument que ma main lui élevé par le pur mouvement de mon cœur, & sans avoir jamais eu aucune liaison avec sa personne, porté par son nom vers des tems reculés, puisse attirer à cet homme mémorable quelques actes de plus d’admiration & d’amour.

L’homme & l’Auteur dans Rousseau ont passé pour être à la fois un prodige & un paradoxe : selon moi, le prodige explique facilement le paradoxe.

La création de cet homme, bien plus admirable que singulier, a été une création vraiment unique. Nul être, à ce qu’il semble, ne s’est trouvé doué d’une sensibilité d’ame plus exquise, jointe à un degré de force dans les sensations presque sans exemple. Né du côté des sens avec une organisation si parfaite, qu’il étoit éminemment propre à tous les arts sensibles & agréables, il réunit à ces dons corporels un génie géométrique & clair, profond & vaste, & aussi pur que brillant du côté de l’imagination. Cette rectitude de raison, cette élément de génie, cette délicatesse d’ame unique ne pouvoient qu’être accompagnés d’un penchant ardent pour le vrai, pour