Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t15.djvu/29

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du crime habitées par des scélérats, brigands & assassins par état, dignes compatriotes des ours & des lions de leurs forêts.

Plus loin, nous trouverons les contrées immenses des Négres, peuples lâches & orgueilleux chez qui la débauche & la paresse perpétuent la misere, privés des notions les plus simples de l’honnêteté & de la justice, sacrifiant leurs prisonniers de sang-froid ou les mangeant, parés de colliers faits des dents de leurs ennemis, ou faisant des parquets de leurs crânes. L’Amérique n’est pas moins peuplée de monstres humains.

Tous les peuples de l’antiquité qui ont eu des mœurs & des loix, les ont dues à des Savants qui ont été, leurs législateurs ; tels ont été Zoroastre, Minos, Lycurgue, Dracon, Solon, Numa, &c. Il fallut que la science vînt réformer ce que l’ignorance avoir corrompu ; les nations éclairées par sa lumiere ont paru tour-à-tour sur la scene du monde avec plus ou moins de vertus, d’éclat & de succès, tandis que la barbarie la plus honteuse regne encore après tant de siecles partout où l’ignorance s’est conservée.

De quelques hyperboles que l’on veuille exalter les vices des peuples policés, les Cannibales en savent plus que nous sur cet article, sans avoir rien appris de la philosophie ni des arts ; ils ne s’amusent point à médire de leur prochain, mais ils le rôtissent & le mangent en chantant & en dansant : les Mumbos ont des marchés de chair humaine. Comment nos sciences corrompues n’ont-elles point trouvé de tournure pour nous procurer le droit & le plaisir d’un semblable établissement ?