Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t15.djvu/290

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malgré ses grands talens, avoit eu en partage plus de chaleur que de véritable éloquence ; mais je doute qu’un pareil juge ment qui peut partir d’un goût trop difficile, reçoive la sanction du public, lorsqu’il jettera les yeux de nouveau sur la collection des ouvrages de cet Auteur qui va incessamment lui être offerte.

Sans doute l’éloquence de Rousseau renferme une très-grande chaleur, & même un genre de chaleur dont on ne trouve point d’exemple dans aucun autre Ecrivain. En même-tems si ce feu, si cette noble chaleur de l’ame, ont réellement créé tout ce qui a été dit, écrit d’éloquent, & même fait de grande parmi les hommes, ( car c’est le même feu de sentiment qui fait naître une grande pensée, & qui produit une grande action ), il seroit bien singulier que la plus belle propriété du genre d’éloquence de Rousseau, celle qui la caractérise, devant un défaut qui la ternît aux yeux de certains juges.

Cette critique pourroit avoir quelque fondement, si la chaleur d’ame propre à Rousseau, avoit empêché la véritable grandeur, la noblesse, l’originalité, (chose fort rare même parmi les hommes de génie ), ainsi que la justesse de ses idées. Pour se détromper sur ce point, il ne faut que lire ses ouvrages de discussion, de controverse, où la logique de l’ Ecrivain se montre d’une maniere plus particuliere ; & l’on verra qu’il y a peu d’hommes qui aient été doués d’une justesse & d’une force aussi grande de raisonnement. Sur ce point il posséda le talent peut-être malheureux de Bayle, avec tous les charmes de sentiment & de goût de Montagne.

A la vérité Rousseau n’a point eu l’éloquence concile &