Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t15.djvu/307

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les faces : voilà le seul moyen pour agrandir ses conceptions, le seul pour que la force de la pensée acquiere, pour ainsi parler, toute sa latitude. Demandons-le aux hommes du caractere de ceux que je dépeins : ils nous diront tous que ce n’est qu’à la suite de ces momens d’une longue & profonde méditation, que la nature interrogée se montre ; qu’elle révélé au génie son confident, ses secrets les plus intimes ; qu’elle lui inspire ces belles images avec lesquelles il la caractérise, ou qu’elle lui manifeste ces heureuses inventions à l’aide desquelles il la découvre aux autres hommes.

L’esprit pour éclater ou pour briller, peut avoir besoin de la société des autres esprits ; mais il ne faut au génie aucun de ces secours pour ses productions. Il a en lui sa fécondité & sa puissance ; il enfante seul, semblable à un volcan qui nourrit & puise en lui tous ses feux, & qui lorsqu’il ne peut plus les contenir, les répand au-dehors avec un éclat & une explosion qui imite encore en cela parfaitement l’enfantement du génie.

Rousseau étoit tellement né pour ce recueillement d’esprit, qu’on le vit chercher toute sa vie la retraite, laquelle il eut le malheur de voir troubler souvent. Ami de la nature & des grands spectacles qu’elle offre, il préféra constamment le séjour de la campagne à celui des villes, & consacra enfin à ce genre de vie ses jours, trop tôt terminés, dans la société de deux hôtes vertueux qui ont eu l’honneur & le bonheur de consoler ses années, & qui possédent aujourd’hui dans leur héritage les restes précieux de ce grand homme. Puissent, pour prix de cette action hospitaliere, leurs vertus passer, selon