Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t15.djvu/32

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le lion tue tout autant qu’il peut de ces malheureux, jusqu’à ce qu’il succombe lui - même sous les coups de la multitude ; les survivans finissent par manger les morts avec des cris de joie : c’est ainsi qu’ils célebrent le jour de la naissance de leur Souverain, qui jouit de ce spectacle au haut d’un arbre, où il est à l’abri du dater avec ceux qui composent sa Cour. Ces mêmes Jaggas massacrent leurs enfans aussi-tôt qu’ils sont nés, & cette abominable nation ne se perpétue que par les jeunes prisonniers qu’ e-e fait sur ses ennemis, & qu’elle éleve dans les principes de sa barbarie. D’autres peuples abandonnent aux bêtes féroces leurs peres & leurs meres, lorsqu’ils sont parvenus à un certain point de décrépitude, ou les égorgent eux-mêmes ; ainsi le parricide est regardé par l’ignorance comme un service d’humanité. Un très-grand nombre de nations mangent leurs prisonniers ; les Anzikos, peuple d’Afrique, mangent leurs propres esclaves, lorsqu’ils se trouvent assez gras, ou les vendent pour la boucherie publique.

Combien de sang verse encore l’ignorance par les mains des préjugés & des superstitions qu’elle enfante & qu’elle éternise ! Dans le pays d’Adra une femme qui met au monde deux enfans à la fois, est punie de mort comme adultere : au Cap, si deux filles naissent ensemble, on tue la plus laide ; si c’est une fille & un garçon, la fille est exposée sur une branche d’arbre ou ensevelie toute vivante : au royaume de Congo, s’il tombe trop ou trop peu de pluie, si les saisons sont mauvaises, c’est au Roi que le peuple s’en prend ; on se révolte & il est massacré : à la mort du Roi de Juida, on laisse un interregne de quelques jours, pendant lesquels chacun pille,