Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t15.djvu/329

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pour n’avoir plus de conscience, je pense que ce seroit imiter fort mal-à-propos M. l’Abbé Roussier, que de laisser subsister mon injustice, sous prétexte qu’elle ne peut tirer à conséquence ; & que, puisqu’elle a été publique, je dois la répare publiquement.

Cette lettre n’étoit point signée, parce que la posté n’est pas difficile que M M. les Journalistes, qui, assure-t-on, sont assujettis à ne publier aucune lettre qui ne soit revêtue d’une signature, ou dont ils ne connoissent l’Auteur. Cette condition est dure pour quelqu’un qui ne veut ni se taire, ni faire parler de soi. Pour m’y soustraire, on me conseilla de mettre à ma premiere lettre un nom qui ne me fît pas perdre les avantages de l’incognito : cette petite ruse n’étoit gueres de mon goût cependant, il fallut l’employer ; & comme en tout il n’y a que le premier pas qui coûte, me trouvant dans le cas de récrire, je crus devoir, pour mieux dérouter les curieux, signer mes lettres de différens noms, & y dire des choses qui induisissent à penser qu’elles croient de différentes personnes ; ne me flattant pas d’avoir un style assez à moi, pour rendre cette précaution inutile. Mais je n’ai pas pris un seul nom qui ne m’appartînt : celui que je porte sera connu, quand je ne pourrai plus ni m’en applaudir, ni m’en plaindre.

Il ne me reste plus qu’à déduire les raisons qui m’engagent former ce recueil. La plus forte de toutes est la douce obligation de déférer au sentiment de deux hommes recommandables, que je révére profondément, & à l’un desquels je dois toutes les consolations que la mort de Jean-Jaques m’a permis de goûter ; tous deux doués d’un genre de mérite qui les