Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t15.djvu/362

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dépens ; & où on avoit la délicatesse de lui laisser ignore tant de bienfaits.

Vous devriez bien nous dire, Monsieur, comment ce Fermier-général, & Madame sa femme s’y sont pris pour nourrir, chauffer, éclairer Jean-Jaques à leurs dépens, sans qu’il s’apperçût qu’il ne lui en coûtoit rien. Cela me paroît être le chef-d’œuvre de l’adresse. À la vérité je ne conçois pas trop comment l’art qui a pu soustraire leur générosité à la connoissance de celui qui en étoit l’objet, ne s’est pas étendu jusqu’à la dérober à la vôtre. Mais voici un léger correctif.

Ou du moins on lui fournissoit le prétexte de feindre de l’ignorer.

Ce correctif me fait penser que vous pourriez bien, Monsieur, nommer bienfait ce que Jean-Jaques n’a pas pu recevoir a ce titre. Par exemple, si pendant le séjour qu’il a fait dans la maison de ce Fermier-général & de Madame sa femme, il avoit employé de quelque maniere que ce fût ses talens pour leur utilité, personne ne pourroit appeller bienfait un échange de services.

Il s’attira tellement la haine de tous les honnêtes gens, qu’il est obligé de l’avouer dans sa lettre à M. l’Archevêque de Paris, page 3. “Je me suis vu, dit-il, dans la même année recherché, fêté, même à la Cour : puis insulté, menacé, détesté, maudit : les soirs on m’attendoit pour m’assassiner dans les rues ; les matins on m’annonçoit une lettre de cachet.”

Je ne vois point, Monsieur, que Jean-Jaques avoue dans ce passage qu’il s’attira la haine de tous les honnêtes gens. Il s’y