Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t15.djvu/424

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cet exemple ; M. d’Alembert s’est senti digne de le suivre. C’est ce qu’il a fait en nous donnant l’Eloge de mylord Maréchal, dont la plus grande partie du public avoir ignoré l’existence. Quand je dis en nous donnant, cela est rigoureusement vrai, Monsieur : vous en serez convaincu, quand vous saurez de quelle maniere cet Eloge m’est parvenu : aussi bien est-elle trop plaisante pour que je ne vous la raconte pas. L’envie de le lire m’ayant été inspirée par quelqu’un qui vouloit, savoir ce que j’en penserois, je priai une de mes amies de me le prêter, lui promettant de lui rendre aussi-tôt qu’elle l’exigeroit. Oh ! pour cela, me répondit-elle, vous pouvez en disposer : cet Eloge ne se prête pas ; il se donne : la personne de qui je l’avois emprunté me l’a laisse ; je vous le laisse ; & je ne doute pas que vous n’en fassiez autant en faveur du premier curieux qui vous l’empruntera. Je ne sais où s’arrêtera cette originale circulation : j’envoie la brochure circulante à cent lieues, où probablement elle n’auroit pas été sans moi : mais je l’ai lue avant de lui laisser remplir sa vagabonde destinée. Oui, Monsieur, lue toute entiere ; j’ai tenu bon contre l’ennui ; car j’avoue, à ma honte, qu’elle m’en a causé un mortel ; & que sans l’empire que la curiosité a sur les femmes, je n’aurois pu le surmonter. Mais je voulois voir quel ton le tendre académicien donneroit à ses regrets, sur la mort d’un homme qui l’honoroit de son amitié ; & qui lui avoir envoyé des indulgences par douzaines. Quel bienfait ! Aussi je vous laisse à juger de sa reconnoissance : car il faut bien se garder de le croire dans le cas des fripons, qui parlent de probité. Me rappellant qu’il avoir fait confidence à toute l’Europe (c’étoit