Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t15.djvu/459

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Sans compter les persécutions que ses opinions lui attirerent, les perfidies auxquelles sa franchise l’exposa, les outrages que ses succès lui valurent, personne n’a jamais été plus cruellement traité de la nature, & de la fortune. Il a passé presque toute sa vie dans les douleurs cuisantes, encore irritées par la certitude de n’en pouvoir être délivré que par la mort ; & il les a souffertes avec une résignation étonnante, dans un homme sur qui la délicatesse de son organisation leur donnoit tant de prise.

Loin qu’il eût, lorsqu’il parloit de sa pauvreté, des ressources assurées contre l’indigence, il atteignit sa cinquante-troisieme année sans avoir d’autres moyens de subsister, que ceux qu’il tiroit de son travail, & de la plus rigoureuse économie ; moyens qui d’un instant à l’autre pouvoient lui échapper, & dont le dépérissement de sa santé lui présageoit journellement la perte. À cinquante-trois ans, il trouva dans la personne de George Keith, Maréchal héréditaire d’Ecosse, un ami, vis-à-vis duquel la reconnoissance ne devoit rien coûter à sa fierté ; il consentit à en accepter 6oo liv. de rente viagere. Par une suite d’arrangemens concernant la vente de ses ouvrages, de ses estampes, & de sa bibliotheque, il parvint à se faire, y compris les 600 liv. de Mylord, 1140 liv. de rente viagere, auxquelles il ajouta en se mariant, les 300 liv. que Mlle. le Vasseur tenoit d’un des libraires avec qui il avoit traité. Ces différentes sommes composent les 1440 liv. à quoi M. le Begue de Presse évalue sa fortune. Si toutefois un si mince revenu, partagé entre deux personnes âgées, dont l’infirmité