Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t15.djvu/490

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Un honnête homme ne croit pouvoir que ce qu’il doit. Certainement, Monsieur, vous ne devez pas diffamer Jean-Jaques ; non, pas même pour complaire à vos amis ; puisque vous ne pouvez y parvenir qu’à la faveur de la calomnie moyen infâme, plus honteux encore pour celui qui l’emploie, que cruel pour celui qui en est l’objet. Or vous ne devez personne le sacrifice de vos lumieres & de votre honneur. Il y a plus ; un honnête homme qui seroit assez malheureux pour qu’il lui fût incontestablement prouvé que Jean-Jaques ne valoir pas mieux que les Encyclopédistes, & qu’il n’a feint de leur être opposé, que pour surprendre l’estime générale, s’imposeroit le plus profond silence sur cette affreuse vérité : non pour favoriser un scélérat, mais pour ne pas rendre inutiles les sublimes leçons de morale que l’intérêt de ce scélérat l’auroit porté à nous donner, & qui n’en seroient pas moins bonnes à suivre. Les adversaires de Jean-Jaques, en supposant qu’il fût un monstre, ne sont donc que des hommes dangereux ; des hommes pour le moins indifférens à la propagation des bons principes & des bonnes mœurs ; des hommes dans la bouche desquels les mots d’honnêteté, de sagesse, de bienfaisance, d’humanité, de vertu, ne sont que le langage du charlatanisme. Mais que sont-ils, si ce Jean-Jaques, l’éternel but de leurs traits empoisonnés, étoit le plus vrai, le plus sensible, le plus reconnoissant, le plus désintéressé, enfin le meilleur des hommes ? Notre idiome ne fournit point d’expression qui puisse rendre toute leur attrocité. Mais Monsieur, en parcourant les époques les plus remarquables de la vie de Jean-Jaques, peut-être trouverons nous ces faits qui appuient ses aveux : voyons, livrons-nous à cette recherche.