Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t15.djvu/502

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donc transcrire ce fragment dans toute son intégrité ; & je vous préviens, Monsieur, que je ferai de même, toutes les fois que vous tomberez dans la même faute. Le seul ménagement que l’honnêteté me permette d’avoir pour vous, c’est de passer sur l’incorrection de votre style.

“Quand on songe, dit Rousseau, que de tous les peuples de la terre, qui tous ont une musique, & un chant, les Européens sont les seuls qui aient une harmonie, des accords, & qui trouvent ce mélange agréable ; quand on songe que le monde a duré tant de siecles, sans que, de toutes les Nations qui ont cultivé les beaux-arts, aucune ait connu cette harmonie ; qu’aucun animal, qu’aucun oiseau, qu’aucun être dans la Nature ne produit d’autre accord que l’unisson, ni d’autre musique que la mélodie ; que les langues orientales si sonores, si musicales, que les oreilles grecques si délicates, si sensibles, exercées avec tant d’art, n’ont jamais guidé ces peuples voluptueux & passionnés vers notre harmonie ; que sans elle, leur musique avoit des effets si prodigieux : qu’avec elle, la nôtre en a de si foibles ; qu’enfin il étoit réservé à des peuples du nord dont les organes durs & grossiers sont plus touchés de l’éclat, & du bruit des voix, que de la douceur des accens, & de la mélodie des inflexions, de faire cette grande découverte, & de la donner pour principe à toutes les regles de l’art ; quand, dis - je, on fait attention à tout cela, il est bien difficile de ne pas soupçonner que toute notre harmonie n’est qu’une invention gothique & barbare, dont nous ne nous serions jamais avisés, si nous eussions été plus sensibles aux véritables