Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t15.djvu/511

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

que vous prétendez qu’il a répondues à Rameau, vous êtes en regle, car vous en rapportez une, & des plus sanglantes incontestablement : la voici. “Si M. Rameau, moins occupé de calculs inutiles, eût mieux étudié la métaphysique de son art, il est à croire que le feu naturel de ce savant artiste eût produit des prodiges, dont le germe étoit dans son génie, mais que ses préjugés ont toujours étouffé.”*

[*Dictionnaire de Musique, article Enharmonique]

L’esprit peut bien suppléer à la science vis-à-vis de ceux qui ne sont pas instruits les éblouir au point de les convaincre ; mais l’esprit est un foible secours dans les sciences exactes aux yeux des véritables savans qui ne se laissent point éblouir ni par les illusions, ni par les paradoxes. Aussi Rameau sera-t-il toujours pour eux (& pour moi aussi, Monsieur,) un homme savant & plein de génie ; Rousseau ne leur paroîtra en musique qu’un homme sans génie, & fort peu instruit.

Ah ! Monsieur, sans génie est un peu trop fort : mais c’est un de vos moindres blasphêmes. Rousseau avoit en musique, plus d’esprit que de génie, comme compositeur ; & en toute autre chose plus de génie que d’esprit. Quant à son savoir, nous verrons ailleurs ce que vous en pensez vous-même.

Il a tant d’autres avantages par son éloquence, & sa logique, qu’il peut éprouver quelques pertes sans se trouver moins riche.

Placer ce beau compliment comme il l’est, c’est employer de faux or pour dorer la pilule. L’homme le plus riche ne

peut perdre, sans se trouver moins riche de ce qu’il a perdu. L’article sur lequel Rousseau est le plus injuste, est précisément