Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t15.djvu/546

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

regarde son Essai sur l’imitation théâtrale, & sur-tout la Nouvelle Héloise, comme la meilleure réponse qu’il pût leur faire, selon leur différente façon de penser. En effet, on ne peut lire ce roman moral sans se persuader de plus en plus, que les spectacles, & le théâtre ne sont nullement l’école des bonnes mœurs, & que les personnes religieusement chrétiennes sont bien fondées à applaudir à la morale inexorable du citoyen de Geneve. Quoi qu’il en soit, la Nouvelle Héloise est peut-être le meilleur ouvrage que nous ayons en ce genre, même à côté de Miss Clarisse : la vertu y est peinte avec tous ses traits les plus touchans, & les plus propres à se soumettre les ames honnêtes. Il est aisé d’y appercevoir le caractere essentiel de son auteur ; & cet excellent roman eût suffi seul pour le faire estimer, & lui donner la célébrité dont il jouit à tant de titres. La Nouvelle Héloise a sans doute des défauts ; mais ils sont compensés par tant de beautés, qu’a peine on les apperçoit : ils prouvent seulement, que l’esprit le plus sublime, & le cœur le plus vertueux, ne sont pas toujours à l’épreuve de la qualité d’Auteur & de Philosophe.”

Voilà, Monsieur, un jugement dicté par l’impartialité même. Si la sévérité du vôtre s’étend jusqu’à vos mœurs, vous êtes un personnage bien recommandable : mais si par malheur elle ne s’y étendoit pas, comme certaines citations répandues dans votre Essai invitent à le penser, quelle opinion elle donneroit de votre caractere ! Faites votre examen.

Que tandis qu’il préchoit la vertu, la paix, la charité, &c. il faisoit sourdement tous ses efforts auprès des Genevois,