Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t15.djvu/552

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spectacle des merveilleux efforts que vous faites pour le défendre. Au surplus, Monsieur, je doute que Rameau tînt à grand honneur, le titre dont vous le décorez, & à grand profit, le secours tardif que vous lui prêtez, s’il voyoit que vous faites de vos médiocres talens, un usage qui aviliroit les plus sublimes. Ce dont je ne doute pas, c’est qu’au lieu de vous en tenir à apprendre la musique de ce maître chéri, vous auriez fort bien fait de lui demander des leçons de morale : je ne dirai pas comme vous, qu’il étoit toujours juste ; mais je dirai qu’on ne lui a reproché ni basesses, ni noirceurs ; que la rudesse de son ton, & la brusquerie de ses manieres, qu’une éducation trop négligée n’avoit pas pu polir, croient rachetées par beaucoup de droiture, & de probité ; enfin, qu’on ne se plaît tant à l’admirer comme grand musicien, que parce qu’on l’estime comme honnête homme.

Je serois bien tentée de vous dire, Monsieur, tout ce que l’indignation la plus forte, & la mieux méritée m’inspire contre vous : mais retenue par la crainte de manquer au Public, & à moi-même, la seule chose que j’ajouterai à celle que l’intérêt de J. J. Rousseau ne m’a pas permis de supprimer, c’est que, si l’autorité mettoit vis-à-vis de vous, la justice à la place de l’indulgence, elle vous défendroit de faire de nouvelles éditions de l’Essai sur la musique, à moins que vous n’y joignissiez ma lettre à titre d’Errata.

Ce 20 Août 1780.

P. S. Depuis ma lettre écrite, Monsieur, il m’est venu un scrupule dont il faut que je me délivre. Lorsque vous avez avancé que J. J. Rousseau avoit sourdement fait tous ses efforts