Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t15.djvu/576

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ceux qu’on peut acquérir en cultivant un esprit juste, une raison saine, une ame sensible : car au fond, ce n’est pas pour vous que je vous réponds ; c’est pour le Public ; & l’opinion du Public sur le compte de cet homme recommandable est à jamais fixée. Mais comme il seroit très-possible que, malgré les outrages que vous prodiguez à ma décrépitude, vous m’imaginassiez plus jeune, plus aimable, plus séduisante que je ne suis, & que vous tirassiez de l’attachement que me marque M. Du Peyrou des conséquences à votre maniere, dussent les choses flatteuses qu’il m’adresse en perdre tout leur poids, je vous dirai qu’il ne m’a jamais vue ; qu’il y a toujours eu entre nous soixante-dix à quatre-vingt lieues de distance ; & que je ne suis redevable des sentimens dont il m’honore, qu’à l’idée que lui a fait prendre de ma conduite, de mon caractere, & de mon cœur, la correspondance que la mort de Jean-Jaques, notre ami commun, nous a mis dans le cas d’entretenir ; & sur-tout mon amour effréné pour la réputation de ce grand homme. Voici enfin, Monsieur, la tête de Méduse.

Neufchâtel le 28 octobre 1781.

Je n’ai sans doute pas besoin, Madame, de justifier auprès de vous le retard qu’a éprouvé l’envoi que je vous fais aujourd’hui. Vous connoissez toute l’importance que je mets à tout ce qui a trait à l’honneur de la mémoire de J. J. Rousseau ; & quand à ce motif, déjà si puissant sur mon cœur, vous réunissez celui de vous complaire, croyez que mon zele ainsi excité ne me laisse aucun repos qu’il ne soit satisfait. Mais la recherche des pieces originales ; les copies qu’il en a fallu faire &