Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t15.djvu/63

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Sans doute les richesses ont fait naître de nouveaux vices, mais combien en ont-elles proscrit d’anciens ? Combien ont-elles produit de vertus inconnues à la pauvreté antique ? Qu’on lise dans l’histoire Romaine la comparaison de Tuberon & de Scipion Emilien ; l’un fidellement attaché à la pauvreté qu’il avoit héritée de ses pères, se distinguoit par sa frugalité & sa tempérance inviolable ; l’autre n’étoit pas moins recommandable par le noble usage qu’il faisoit de ses immenses richesses ; le premier toujours admiré, le second adoré & chéri, tous deux avec une vertu égale : Tuberon inflexible & sévere avoit la gloire de mépriser le bonheur ; Scipion généreux & compatissant goûtoit la volupté de faire des heureux.

La philosophie a un ordre de vertus qui lui sont propres, & qui ne sauroient être celles de la multitude : les vertus dures supposent une inspiration particuliere ; il est bon qu’elles se trouvent pour la montre & l’exemple dans quelques ames privilégiées ; mais elles ne sont pas faites pour la totalité des hommes ; elles se communiquent difficilement, & ne peuvent se conserver qu’à force d’ignorance, état dont il faut absolument sortir tôt ou tard ; toutes choses d’ailleurs égales, la vertu qui se fait aimer, doit avoir l’avantage ; il faudroit, s’il étoit possible, qu’elle en vînt jusqu’à séduire.

Je termine enfin cette longue digression sur la corruption & la vertu ; je passe à la justification des sciences & des arts contre les nouvelles accusations qu’on leur a intentées ; je considere la science en elle-même ; son objet est de connoître la vérité, son occupation de la chercher, son caractere de l’aimer, ses moyens enfin sont de ses moyens enfin sont de se défaire de ses passions, de