Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t16.djvu/139

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momentané, je me mis à faire, à grands frais, d’immenses provisions de sondes, pour pouvoir en porter toute ma vie, même au cas que Daran vînt à manquer. Pendant huit ou dix ans que je m’en suis servi si souvent, il faut, avec tout ce qui m’en reste, que j’en aye acheté pour cinquante louis.

On sent qu’un traitement si coûteux, si douloureux, si pénible, ne me laissoit pas travailler sans distraction & qu’un mourant ne met pas une ardeur bien vive à gagner son pain quotidien.

Les occupations littéraires firent une autre distraction non moins préjudiciable à mon travail journalier. À peine mon discours eut-il paru que les défenseurs des lettres fondirent sur moi comme de concert. Indigné de voir tant de petits Messieurs Josse, qui n’entendoient pas même la question, vouloir en décider en maîtres, je pris la plume & j’en traitai quelques-uns de manière à ne pas laisser les rieurs de leur côté. Un certain M. Gautier, de Nancy, le premier qui tomba sous ma plume, fut rudement malmené dans une lettre à M. G[...]. Le second fut le roi Stanislas lui-même, qui ne dédaigna pas d’entrer en lice avec moi. L’honneur qu’il me fit me força de changer de ton pour lui répondre ; j’en pris un plus grave, mais non moins fort ; & sans manquer de respect à l’auteur, je réfutai pleinement l’ouvrage. Je savois qu’un Jésuite, appelé le P. Menou, y avoit mis la main : je me fiai à mon tact pour démêler ce qui étoit du prince & ce qui étoit du moine ; & tombant sans ménagement sur toutes les phrases jésuitiques, je relevai, chemin faisant