Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t16.djvu/144

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l’intrépidité de la vertu, & c’est, je l’ose dire, sur cette auguste base qu’elle s’est soutenue mieux & plus long-temps qu’on n’auroit dû l’attendre d’un effort si contraire à mon naturel. Cependant, malgré la réputation de misanthropie que mon extérieur & quelques mots heureux me donnèrent dans le monde, il est certain que, dans le particulier, je soutins toujours mal mon personnage, que mes amis & mes connoissances menoient cet ours si farouche comme un agneau & que, bornant mes sarcasmes à des vérités dures, mais générales, je n’ai jamais sçu dire un mot désobligeant à qui que ce fût.

Le Devin du village acheva de me mettre à la mode & bientôt il n’y eut pas d’homme plus recherché que moi dans Paris. L’histoire de cette pièce, qui fait époque, tient à celle des liaisons que j’avois pour lors. C’est un détail dans lequel je dois entrer pour l’intelligence de ce qui doit suivre.

J’avois un assez grand nombre de connoissances, mais deux seuls amis de choix, Diderot & G[...]. Par un effet du désir que j’ai de rassembler tout ce qui m’est cher, j’étois trop l’ami de tous les deux pour qu’ils ne le fussent pas bientôt l’un de l’autre. Je les liai ; ils se convinrent & s’unirent encore plus étroitement entre eux qu’avec moi. Diderot avoit des connaissances sans nombre ; mais G[...], étranger & nouveau venu, avoit besoin d’en faire. Je ne demandois pas mieux que de lui en procurer. Je lui avois donné Diderot, je lui donnai Gauffecourt. Je le menai chez Mde. de C

[henonceau] x, chez Mde. D’

[Epina] y, chez le baron d’H[...]k, avec lequel je me trouvois lié presque malgré moi. Tous mes amis