Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t16.djvu/173

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ouvrage qui fut plus du goût de Diderot que tous mes autres écrits, & pour lequel ses conseils me furent le plus utiles, *

[*Dans le tems que j’écrivois ceci, je n’avois encore aucun soupçon du grand complot de Diderot & de G...., sans quoi j’aurois aisément reconnu combien le premier abusoit de ma confiance, pour donner à mes écrits ce ton dur & cet air noir qu’ils n’eurent plus quand il cessa de me diriger. Le morceau du philosophe qui s’argumente en se bouchant les oreilles pour s’endurcir aux plaintes d’un malheureux, est de sa façon & il m’en avoit fourni d’autres plus forts encore que je ne pus me résoudre à employer. Mais attribuant cette humeur noire à celle que lui avoit donné le donjon de Vincennes & dont on retrouve dans son Clairval une assez forte dose, il ne me vint jamais à l’esprit d’y soupçonner la moindre méchanceté.] mais qui ne trouva dans toute l’Europe que peu de lecteurs qui l’entendissent & aucun de ceux-là qui voulût en parler. Il avoit été fait pour concourir au prix : je l’envoyai donc, mais sûr d’avance qu’il ne l’auroit pas & sachant bien que ce n’est pas pour des pièces de cette étoffe que sont fondés les prix des académies.

Cette promenade & cette occupation firent du bien à mon humeur & à ma santé. Il y avoit déjà plusieurs années que, tourmenté de mon mal, je m’étois livré tout à fait aux médecins, qui, sans alléger avoient épuisé mes forces & détruit mon tempérament. Au retour de St. Germain je me trouvai plus de forces & me sentis beaucoup mieux. Je suivis cette indication, & résolu de guérir ou mourir sans médecins & sans remèdes, je leur dis adieu pour jamais, & je me mis à vivre au jour la journée, restant coi quand je ne pouvois aller & marchant sitôt que j’en avois la force. Le train de Paris parmi les gens à prétentions étoit si peu de mon goût ; les cabales des gens de lettres, leurs honteuses