Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t16.djvu/181

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Au milieu de ces dissipations, je ne perdis ni le goût ni l’habitude de mes promenades solitaires & j’en faisois souvent d’assez grandes sur les bords du lac, durant lesquelles ma tête, accoutumée au travail, ne demeuroit pas oisive. Je digérois le plan déjà formé de mes institutions politiques, dont j’aurai bientôt à parler ; je méditois une histoire du Valais, un plan de tragédie en prose, dont le sujet qui n’étoit pas moins que Lucrèce, ne m’ôtoit pas l’espoir d’atterrer les rieurs, quoique j’osasse laisser paroître encore cette infortunée, quand elle ne le peut plus, sur aucun théâtre français. Je m’essayois en même tems sur Tacite, & je traduisis, le premier livre de son histoire qu’on trouvera parmi mes papiers.

Après quatre mais de séjour à Genève, je retournai au mais d’Octobre à Paris, & j’évitai de passer par Lyon pour ne pas me retrouver en route avec G

[auffecour] t. Comme il entroit dans mes arrangemens de ne revenir à Genève que le printemps prochain, je repris pendant l’hiver mes habitudes & mes occupations, dont la principale fut de voir les épreuves de mon Discours sur l’inégalité, que je faisois imprimer en Hollande par le libraire Rey, dont je venois de faire la connoissance à Genève. Comme cet ouvrage étoit dédié à la République, & que cette dédicace pouvoit ne pas plaire au conseil, je voulois attendre l’effet qu’elle feroit à Genève avant que d’y retourner. Cet effet ne me fut pas favorable, & cette dédicace, que le plus pur patriotisme m’avoit dictée, ne fit que m’attirer des ennemis dans le conseil & des jaloux dans la bourgeoisie. M. Chouet, alors premier syndic,