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Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t17.djvu/168

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M. Favre avoit un extrait de votre sermon sur le luxe ; il me l’a lu & je l’ai prié de me le prêter pour le copier. M’entendez-vous, Monsieur ?

Au reste vous êtes le premier, que je sache, qui ait montré que la feinte charité du riche n’est en lui qu’un luxe de plus ; il nourrit les pauvres comme des chiens & des chevaux. Le mal est que les chiens & les chevaux servent à ses plaisirs, & qu’à la fin les pauvres l’ennuient ; à la fin c’est un air de les laisser périr comme c’en fut d’abord un de les assister.

J’ai peur qu’en montrant l’incompatibilité du luxe & de l’égalité, vous n’ayez fait le contraire de ce que vous vouliez : vous ne pouvez ignorer que les partisans du luxe sont tous ennemis de l’égalité. En leur montrant comment il la détruit, vous ne serez que le leur faire aimer davantage ; il falloir faire voir, au contraire, que l’opinion tournée en faveur de la richesse & du luxe, anéantit l’égalité des rangs ; & que tout crédit gagné par les riches, est perdu pour les magistrats. Il me semble qu’il y auroit là-dessus un autre sermon, bien plus utile à faire, plus profond, plus politique encore, & dans lequel, en faisant votre cour, vous diriez des vérités très-importantes, & dont tout le monde seroit frappé.

Ne nous faisons plus illusion, Monsieur ; je me suis trompé dans ma lettre à M. d’Alembert. Je ne croyois pas nos progrès si grands, ni nos mœurs si avancées. Nos maux sont désormais sans remède ; il ne vous faut plus que des palliatifs, & la comédie en est un. Homme de bien, ne perdez pas votre ardente éloquence à nous prêcher l’égalité ;