Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t17.djvu/196

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Je suis charmé de ne m’en être pas départi en cette occasion ; car je vous avoue que la tentation étoit vive.

Je suis charmé que vous voyiez enfin que je n’en ai déjà que trop fait. Ces Meilleurs les Genevois le prennent en vérité sur un singulier ton. On diroit qu’il faut que j’aille encore demander pardon des affronts qu’on m’a faits. Et puis, quelle extravagante inquisition ? L’on n’en seroit pas tant chez les Turcs.

Le bon homme dispose de moi comme de ses vieux souliers ; il veut que j’aille courir à Genève dans une saison & dans un état où je ne puis sortir, je ne dis pas de Motiers, mais de ma chambre. Il n’y a pas de sens à cela. Je souhaite de tout mon cœur de revoir Genève, & je me sens un cœur fait pour oublier leurs outrages. Mais on ne m’y verra surement jamais en homme qui demande grâce, ou qui la reçoit.

Je vous ai parlé des offres du roi de Prusse & de ma reconnoissance. Mais voudriez-vous que je les eusse acceptées ? dit-il nécessaire de vous dire ce que j’ai fait ? Ces choses-là devroient se deviner entre nous.

Je dois vous prévenir d’une chose. Vous avez dû voir beaucoup d’inégalité dans mes lettres ; c’est ce qu’il y en a beaucoup dans mon humeur, & je ne la cache point à mes amis. Ma conduite ne se règle point sur mon humeur ; elle a une règle plus confiante ; à mon âge on ne change plus. Je serai ce que j’ai été. Je ne suis différent qu’en une chose ; c’est que jusqu’ici j’ai eu des amis, mais à présent je sens que j’ai un ami.